L'autoroute Ville-Marie se prolonge de nouveau

Par Justin Bur

INFO 2000 10:3, octobre 1999

Il y a vingt-cinq ans, l'autoroute Ville-Marie a sectionné le centre-ville de Montréal, séparant le vieux-Montréal de la rue Sainte-Catherine par une bande bruyant de tranchées, de tunnels, et de bretelles. À l'est du centre-ville, on avait détruit 1200 logements dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, mais l'autoroute est restée au stade de boulevard urbain. Maintenant, on propose d’élargir l'emprise pour compléter l'autoroute jusqu'au tunnel Louis-Hippolyte-Lafontaine – un rêve des planificateurs de routes vieux d'au moins cinquante ans.

C'est pourtant le cauchemar du quartier Hochelaga-Maisonneuve. Déjà les quatre voies du boulevard urbain qu'est devenu la rue Notre-Dame amènent un bruit constant variant entre 62,5 et 73,5 décibels toute la journée, en plus d'un niveau élevé de poussière et de gaz nocifs qui augmente l'incidence de maladies respiratoires bien au-dessus de la moyenne montréalaise. Les secteurs les plus proches du boulevard affichent un taux d'inoccupation très élevé et les commerces de la rue Sainte-Catherine disparaissent.

Le ministère des Transports du Québec compte aménager six voies à la place des quatre actuelles à travers Hochelaga-Maisonneuve et de construire un nouveau tronçon pour rejoindre le tunnel Lafontaine. Seules concessions aux habitants du tissu urbain rompu: de soubaisser l'autoroute d'un mètre, et de construire une passerelle de verdure au-dessus pour relier le parc Morgan, dans le centre de Maisonneuve, au parc champêtre qui longe le fleuve.

Les gens du quartier se sont mobilisés rapidement. Pendant ses trois premières semaines d'existence, la Table d’aménagement du quartier Hochelaga-Maisonneuve (TAQ HM) a réuni une demie-douzaine de groupes communautaires et plusieurs individus. Ils ont averti leurs voisins, émis des communiqués de presse pour expliquer les conséquences de l'autoroute sur le quartier, et organisé une activité d'information au parc Morgan le 26 août, qui a attiré plusieurs centaines de personnes. Au courant de l’après-midi, on a mesuré le bruit du boulevard urbain existant à toutes les heures (84 dB chaque fois); on a invité un médecin pour parler des problèmes de santé exacerbés par la présence d'une autoroute; des enfants ont fait des maquettes pour montrer comment on pourrait améliorer la vie en ville; on a fait une épluchette de blé d'inde.

On a surtout parlé de la réclamation de la TAQ HM: que l'autoroute soit mis en tunnel à travers Hochelaga-Maisonneuve. Selon Normand Robert, l'un des organisateurs de l’activité d'information, il aurait été peu pratique de s'opposer carrément au développement de l'autoroute. « Quand tu te trouves face à tout un réseau routier déjà en place sauf un petit tronçon de 2,6 km qui manque, il n'est pas facile d’empêcher qu'on construise ce dernier tronçon. Arrêtons donc de parler de "boulevard urbain", admettons qu'il s'agit d'une autoroute, mais qu'on la mette en tunnel pour permettre aux gens d'Hochelaga-Maisonneuve de vivre en santé. »

Le ministère des Transports avait espéré procéder rapidement par décret et sans consultation publique. Suite aux pressions de la TAQ HM, le ministère a déposé le 24 août une demande d’étude d'impact auprès du Bureau d'audiences publiques en environnement (BAPE). Le dossier sera alors bientôt débattu en publique. Pour Hochelaga-Maisonneuve, c'est une cause qui ne doit pas être perdue.