Étude de faisabilité pour un nouveau train rapide Montréal/Boston

Une porte d'entrée vers la Nouvelle-Angleterre

Par Justin Bur et Luc Côté

INFO 2000 13:1, avril 2002

Pendant que l'avenir du réseau national de trains voyageurs aux États-Unis nage dans l'incertitude, certains États avancent tant bien que mal leurs projets de corridors ferroviaires à grande vitesse. Les problèmes de congestion routière, la précarité du transport aérien, et le succès des trains Acela Express sur la liaison Boston–New York–Washington ont ravivé la flamme ferroviaire de certains Américains qui aspirent à bâtir un vrai réseau de trains rapides.

Étant donné la part du marché infime du rail hors de ce corridor, la tâche de reconstruction est immense. La grande vitesse, dans ce contexte, veut dire tout simplement un temps de parcours qui permettrait au train de concurrencer la route. On parle de trains qui atteindront au mieux les 200 km/h, sur des emprises existantes, offrant une vitesse commerciale jusqu'à 140 km/h.

Tandis que les budgets fédéraux pour les routes (presque 60 fois celui du rail) et pour l'aviation (plus de 30 fois celui du rail) sont protégés par des mesures qui garantissent leurs sources de revenus, le développement du réseau ferroviaire souffre de sous-financement chronique depuis des lustres. La seule intervention fédérale dans ce domaine est le Transportation Equity Act for the 21st Century (TEA-21) de 1998, qui permet, entre autres, de désigner des corridors à haute vitesse, d'éliminer des passages à niveau, et... de faire des études.

À la suite de la demande des États de Vermont, New Hampshire et Massachusetts, l'Administration fédérale des chemins de fer – Federal Railroad Administration (FRA) – a retenu à l'automne 2000 le projet d'étudier une liaison à haute vitesse sur 325 milles (520 km) entre Boston et Montréal, via Manchester (NH) et Burlington (VT). Des trains de passagers ont longtemps relié ces deux métropoles à partir des années 1850. À son apogée (années 1940), le service ferroviaire comptait 5 départs quotidiens offerts par trois compagnies (CP, CN/CV, et Rutland, toutes les trois en collaboration avec la Boston & Maine). Puis le développement des autoroutes et la croissance du transport aérien ont forcé les opérateurs à réduire considérablement l'offre ferroviaire jusqu'au point de supprimer leur service. Le dernier train Montréal–Boston a circulé en 1965. Par la suite, bien des voies ferrées ont été abandonnées.

Nous sommes encore loin de retrouver le service ferroviaire puisque la première phase de l'étude vise seulement à évaluer le potentiel d'achalandage ainsi que certaines retombées directes et indirectes pour la région, l'économie et l'environnement des territoires traversés.

Le corridor à l'étude couvre un large bassin démographique de près de 8 millions d'habitants concentrés principalement en zone urbaine. Il est aussi une destination touristique importante, notamment dans son tronçon au Vermont, qui a attiré plus de 4,62 millions de visiteurs en 1997, dont 786 000 Canadiens.

L'agglomération de Boston, principal moteur économique de la Nouvelle-Angleterre, bénéficierait directement des travaux découlant de cette liaison rapide puisqu'environ 2/3 des personnes travaillant au centre-ville habitent hors de la zone urbaine proprement dite. Un seul indicateur permettant de comprendre ce phénomène est l'augmentation de 94% de l'utilisation des trains de banlieue de la Massachusetts Bay Transport Authority (MBTA) depuis 1989. Un service de banlieue existe déjà sur la ligne Boston–Montréal jusqu'à Lowell (MA) et sera bientôt prolongé jusqu'à Nashua (NH).

Pour le Québec, un train rapide vers Boston confirmerait le rôle de Montréal comme plaque tournante du service ferroviaire au Canada, en plus d'avoir des bénéfices plus tangibles. Montréal pourrait échanger plus facilement avec Boston, une ville qui a plusieurs points en commun (des universités de renom, une économie de haute technologie, un centre-ville vivant, une riche scène culturelle), et renforcer son attrait touristique, surtout au Vermont où Montréal est la grande ville la plus rapprochée.

Les liens ferroviaires vers New York seraient du même coup améliorés. Une condition essentielle de la mise en service du train vers Boston sera l'établissement d'un point de contrôle des douanes et de l'immigration américaines à la gare Centrale, ce qui éliminerait l'attente à la frontière pour les trains vers Boston et New York. En plus, le Vermonter d'Amtrak, qui emprunte la même voie ferrée jusqu'à White River Junction (VT), serait sûrement rétabli entre St. Albans et Montréal et verrait son temps de parcours diminuer sensiblement. C'est le maximum qu'on puisse espérer dans le contexte actuel pour le rêve du TGV Montréal–New York tant prisé par d'anciens maires de Montréal.

Il n'est pas question dans cette étude de déterminer exactement l'offre de service, ni le matériel roulant, mais selon certains représentants de la firme de consultation présents à une rencontre publique tenue à Montpelier (VT) le 13 février dernier, un train de type Acela tiré par une locomotive diesel ou un équipement du type Talgo tel qu'utilisé sur la ligne Vancouver–Seattle–Portland (OR) pourrait être un bon choix.

Pour cela, la voie ferrée devra être améliorée pour permettre une vitesse entre 79 et 90 mph (125–140 km/h). Une réduction du nombre de passages à niveau de même que la reconstruction de la voie abandonnée sur environ 50 milles (80 km) entre White River Junction (VT) et Concord (NH) devraient être envisagées pour atteindre l'objectif d'un temps de parcours oscillant entre cinq et sept heures. Des ententes pour les droits de passage et d'amélioration devront être réalisées avec les propriétaires de voies ferrées (dont le CN), mais aussi un engagement financier de la part des états desservis est nécessaire pour la réalisation de cette liaison.

Enfin, les promoteurs ont énoncé le souhait d'une participation populaire au projet. Déjà trois rencontres publiques ont été organisées et une prochaine rencontre d'information devrait avoir lieu à Montréal au printemps 2002 afin que le public s'approprie ce dossier et en comprenne bien les enjeux. Les résultats de la première phase devront être présentés au public quelque part à l'automne. Entre-temps, on peut suivre la progression des travaux au site web suivant: www.bostonmontrealhsr.org

Bref, sans être un service à grande vitesse comme les Européens en connaissent depuis 20 ans, la liaison Boston-Montréal verra peut-être le jour d'ici quelques années. Ce serait un pas concret de plus vers un système de transport équilibré et performant!