Par Justin Bur
INFO 2000 12:4, février 2002
Les chemins de fer britanniques sont en crise. La réorganisation du système ferroviaire de 1994, qui a remis la British Rail aux mains du secteur privé, est un échec. Cette réorganisation avait divisé le réseau en 25 compagnies d'exploitation en plus d'une société d'infrastructure, la Railtrack. Railtrack est en faillite technique depuis le 7 octobre dernier. Le réseau est mauvais état, à cause d'un manque chronique d'investissements qui dure depuis trois décennies; des accidents mortels se sont produits à plusieurs reprises. Bien que certaines compagnies d'exploitation réussissent à dégager des bénéfices, la plupart d'entre elles essuient des pertes (120 millions £ en total l'année dernière). Le fait même qu'elles soit si nombreuses crée des problèmes, car le réseau a une capacité limitée et le partage des gares est difficile à gérer. La sécurité, la fiabilité, et la ponctualité du système ferroviaire sont devenues inacceptables au public voyageur.
Pourtant, la crise du rail en est une surtout parce que les chemins de fer ont encore un rôle important pour le transport des personnes dans ce pays. Le réseau britannique fait pitié comparé aux réseaux avancés de la France ou de l'Allemagne et sa part du marché est inférieur à celle de la majorité des réseaux de l'Union européenne, mais on est loin de la situation marginale qu'occupent les trains de voyageurs en Amérique du Nord. Les problèmes du rail font la une des journaux et suscitent de vifs débats à la Chambre des communes. On a reclamé la démission du secrétaire d'état aux transports, Stephen Byers. On parle de la «honte internationale» de la situation.
La réponse du gouvernement et du secrétaire Byers pour redresser la situation est de faire des investissements d'une ampleur inimaginable de ce côté-ci de l'Atlantique. Avant que la crise éclate, le plan de transports national prévoyait 180 millards £ d'investissements (en provenance des secteurs privé et public) dans les transports sur 10 ans (2001-2010), répartis également entre le système routier, le système ferroviaire, et le transport en commun urbain. Début décembre, il a été annoncé qu'une partie du budget routier serait «empruntée» pour pallier la crise du rail. Certains projets routiers seraient donc retardés pour avancer les travaux sur les chemins de fer!
Un plan stratégique pour les chemins de fer a été publié le 14 janvier 2002 par la Strategic Rail Authority, agence gouvernementale responsable de la planification du rail. Ce plan confirme une augmentation du budget ferroviaire de 4,4 milliards £ sur 10 ans. Trois problèmes majeurs devront être résolus immédiatement: trouver une nouvelle structure pour Railtrack (vraisemblablement une société à but non lucratif, sans nécessairement la renationaliser); rétablir la stabilité et la confiance dans l'industrie ferroviaire; et former la main-d'Ïuvre qualifiée pour éliminer la pénurie de personnel.
Par la suite, le gouvernement vise une augmentation de 50 % de l'achalandage voyageurs et de 80 % de la volume de marchandises, sur 10 ans. De nombreux projets sont proposés, la plupart comme partenariat entre les secteurs public et privé, pour augmenter la capacité du réseau et améliorer son confort et sa sécurité. Entre autres, les grandes lignes de la côte ouest et de la côte est seront rénovées, la ligne à haute vitesse vers le tunnel sous la Manche sera terminée en 2006, et une attention particulière sera portée au réseau de Londres et du sud-est du pays, qui compte pour 70 % du trafic-voyageurs au pays.
Le débat se poursuit: est-ce que le plan stratégique sera suffisant pour corriger les problèmes du réseau et rétablir la qualité de service attendue par les voyageurs? Est-ce que le secteur privé fournira sa partie des investissements prévus? Comment Railtrack sera-t-elle restructurée? Il aurait été mieux de ne pas laisser le secteur ferroviaire sombrer dans la crise. Il semble toutefois que la volonté existe pour réparer les dégâts.