Plan d'urbanisme: Montréal s'aligne sur le développement durable

Par Justin Bur

En transit 1:3, Printemps 2004

La Ville de Montréal a lancé au mois de mai le processus de consultation publique sur son nouveau plan d’urbanisme. D’entrée de jeu, le plan d’urbanisme affiche son adhésion aux principes de développement durable et déclare que «dans l’esprit du Protocole de Kyoto, le développement se fera de manière à accroître l’utilisation du transport collectif et des modes de déplacement non motorisés».

Pour la première fois, le plan d’urbanisme s’applique à toute l’île de Montréal – et restera légalement en vigueur sur tout le territoire, même si certaines anciennes municipalités choisissent de quitter la grande ville lors des référendums du 20 juin prochain. Le plan reprend donc des orientations qui relevaient autrefois de la Communauté urbaine de Montréal et de ses 28 municipalités constituantes. Le processus de planification régionale sera couronné l’année prochaine, lorsqu’un premier schéma d’aménagement pour l’ensemble de la région montréalaise sera adopté par la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM).

Tout cela est bien encourageant. Depuis déjà vingt ans, les milieux communautaire et universitaire réclament un processus de planification cohérent à l’échelle régionale et axé sur le développement durable. S’il aboutit, ce processus aura un impact marqué sur la qualité de vie et sur l’essor économique, culturel, et écologique de la métropole. La réorganisation municipale de 2001-2002 y était d’ailleurs un préalable important, car elle a créé des instances ayant l’étendue géographique et la force politique nécessaires à l’exercice de planification.

Ce qui inspire moins confiance, ce sont les moyens de mise en œuvre dont dispose la Ville pour mettre le plan d’urbanisme à exécution. La loi québécoise est très claire sur l’obligation de toute ville de se doter d’un plan d’urbanisme, mais s’occupe peu de l’exécution du plan. Dans le cas de Montréal, ce sont les arrondissements, responsables de la réglementation en matière d’urbanisme, qui ont un rôle important dans sa mise en œuvre. Pour ce qui est des interventions de la ville elle-même, elle s’engage à «assurer la cohérence entre le Plan d’urbanisme et les outils financiers de la Ville, notamment le budget et le programme triennal d’immobilisations.» (Section 3, page 193) Elle propose également de faire un bilan annuel des réalisations du plan, soumis à la consultation publique et finalisé à temps pour avoir une influence sur les choix budgétaires annuels.

Un plan de transport de Montréal, dont la préparation est déjà entamée et qui sera adopté en 2005, apportera plus de précisions sur les moyens d’action de la Ville dans ce domaine. Pour ce qui est des grands projets d’investissement en transports, le plan d’urbanisme a certes une valeur morale, mais c’est toujours par décision politique que leur financement sera décidé: «La Ville prend résolument position en faveur du transport collectif et le reconnaît comme le mode de transport de l’avenir pour Montréal. […] Qu’il s’agisse du maintien ou du développement des réseaux de transport, les interventions nécessiteront des investissements substantiels, tant du gouvernement du Québec que de la Ville de Montréal. À cet égard, la Ville juge opportun que le gouvernement du Québec revoit ses priorités en ce qui a trait à l’utilisation des sommes provenant du Fonds canadien des infrastructures stratégiques du gouvernement fédéral à des fins de transport collectif plutôt que de réalisation de projets routiers.» (Section 2.2, p. 33)

Plus loin, on reprend le même discours, en ajoutant que «La Ville de Montréal entend collaborer avec le gouvernement du Québec à la définition des priorités, en fonction des orientations gouvernementales et du Plan d’urbanisme.» (Section 3.2.1, p. 203)

De ce fait, le plan d’urbanisme vient offrir un nouvel outil de persuasion aux alliés du transport collectif, sans pour autant changer le processus décisionnel.

Mesures spécifiques

Les mesures proposées par le plan d’urbanisme sont, pour la plupart, les bienvenues. La Ville reconnaît le rôle structurant des transports collectifs en proposant une «intensification et une densification des activités urbaines, particulièrement aux abords des stations de métro, des gares de train de banlieue et des corridors de transport collectif structurants offrant un potentiel de consolidation en raison de la présence de terrains vacants ou sous-utilisés» (Section 2.2, p. 43). L’aménagement en fonction des transports collectifs (Transit-Oriented Development) devrait ainsi devenir pratique courante à Montréal.

Cinq nouvelles gares sont proposées pour appuyer cette politique, aux rapides du Cheval-Blanc à Pierrefonds sur la ligne de Deux-Montagnes, dans le secteur de la rue Chabanel (entre les gares Parc et Bois-de-Boulogne) sur la ligne de Blainville, et à trois emplacements entre les gares Parc et Montréal-Ouest: au croisement du chemin de la Côte-des-Neiges, à la station de métro Namur, et à Côte-Saint-Luc.

Le plan d’urbanisme reconnaît que l’Agence métropolitaine de transport (AMT) est en train d’étudier l’implantation de systèmes légers sur rail (SLR), sur l’avenue du Parc et entre le centre-ville et la Rive-Sud en passant par l’île de Sœurs. Par contre, il ne reconnaît pas le rôle catalyseur des SLR pour redonner la priorité dans les rues aux transports collectifs et aux piétons, et entraîner des retombées économiques et urbanistiques positives. Encore moins, en parlant des études SLR de l’AMT, «la Ville préconise aussi la réalisation d’études complémentaires relatives à l’implantation d’autres modes de transport collectif performants dans ces axes.» (p. 39) C’est un accueil très frileux que le plan d’urbanisme accorde au SLR, pourtant le mode de transport collectif qui a le plus de potentiel de transformer l’espace urbain pour le mieux.

Le plan d’urbanisme n’hésite pas à appuyer les prolongements du métro souterrain, sur la ligne bleue de Saint-Michel à Anjou et sur la ligne orange de Côte-Vertu à Bois-Franc. Plusieurs nouveaux couloirs de voies réservées aux autobus sont également mentionnés. Le plan convient que «les corridors de transport collectif proposés devront […] s’intégrer harmonieusement au cadre bâti et contribuer à la revitalisation des secteurs desservis» (p. 36) mais suggère comme modes alternatifs à explorer les autobus articulés et les taxis!

La desserte de aéroport de Dorval (rebaptisé Pierre-Trudeau) par un «lien rapide de transport collectif», tel qu’étudié par l’AMT, est favorisée. Le plan d’urbanisme désigne en plus les abords de l’aéroport comme secteur de planification détaillée, avec l’intention d’y densifier l’occupation du sol et de créer ainsi une porte d’entrée vers Montréal digne d’une métropole.

Le vélo est reconnu comme mode de transport à part entière. Il sera appuyé par un Plan d’action vélo qui fera partie du plan de transport. Il est proposé de parachever le réseau de pistes cyclables en y ajoutant de nouveaux liens, dont un accès réservé au centre-ville. Les aménagements pour cyclistes devraient être intégrés à tout projet de nouveau lien routier ou en cas de réaménagement de liens existants. Finalement, le plan d’urbanisme promet des espaces de stationnement pour vélos: aux abords des stations de métro et des gares, près des équipements collectifs, sur les artères commerçantes, et dans les nouveaux projets immobiliers privés et publics.

En même temps que le stationnement pour vélos devient une politique officielle, il est proposé de diminuer le nombre de places de stationnement pour autos exigées par règlement et même de diminuer l’offre globale de stationnement au centre-ville. Une politique de stationnement détaillée sera intégrée au plan de transport.

Le piéton sera mieux servi à l’avenir: «La Ville affirme l’importance de la place du piéton ainsi que la nécessité d’en tenir compte dans toutes les interventions sur le domaine public.» (Section 2.5, p. 141) Cette affirmation est appuyée par une série de règles plus spécifiques et l’intention d’élaborer un guide d’aménagement des voies publiques. En ce qui concerne l’accès aux équipements de transport collectif, le plan reconnaît le besoin de «parcours piétonniers courts et directs réduisant les distances de marche entre les milieux résidentiels et les infrastructures de transport collectif.» (p. 147)

Un objectif du plan est consacré au transport de marchandises: celui de «confirmer le rôle stratégique du transport des marchandises par la consolidation des infrastructures existantes». Les voies ferrées et les cours de triage (à l’exception de celle d’Outremont) seront maintenues. On reconnaît l’importance de l’intermodalité dans le transport de marchandises en conteneurs: par le port, les chemins de fer, et le camionnage. Une série d’améliorations routières est proposée. Ce qui manque à cet objectif, ce sont des mesures pour atténuer la circulation des camions – surtout celle de transit – en encourageant le transbordement vers le rail avant de traverser la région métropolitaine.

Dans tout document de planification au Québec qui affirme l’importance de privilégier les transports collectifs, il y a toujours une liste non négligeable d’améliorations au réseau routier et autoroutier qui sont quand même considérées comme essentielles. Le plan d’urbanisme de Montréal n’y échappe pas, bien qu’il a le mérite de leur donner une moindre place. La «modernisation» de la rue Notre-Dame dans l’est (comme boulevard urbain), la reconstruction de l’autoroute Bonaventure en surface, l’«optimisation» de l’autoroute Métropolitaine, la possibilité (étudiée par Québec) de parachever l’autoroute 25… certains de ces projets pourraient avoir un effet positif sur l’environnement urbain tout comme ils pourraient simplement augmenter le flux de voitures. Aucune mesure de dissuasion n’est proposée. Le principe de la primauté des transports collectifs sera rudement testé lorsqu’il sera question d’approuver les budgets des grands travaux à venir.

Abstract

The City of Montreal’s new official plan sets the megacity resolutely on a course of sustainable development and declares public transit to be the transportation mode of the future. Development will be favored around train and metro stations and in areas where transit service is good. Intermodal connections and light rail are discussed. The bicycle is recognized as a serious mode of transportation. Walkability will be a factor in all new projects. Although the plan’s intentions are laudable, there is some doubt about its implementation, which will require provincial and federal support, and about priority for transit projects when so many highway projects remain in the plans.