Transport 2000 Canada
Transport 2000 Québec
Pour une politique nationale de transport des passagers
Le secteur des transports au Canada est actuellement dans l’impasse. Insolvabilité des compagnies aériennes, réseau routier disproportionné et vieillissant, services ferroviaires et d’autocars qui ne répondent pas aux besoins d’une majorité de la population, détérioration de l’environnement et surconsommation énergétique, bref les problèmes s’accumulent d’année en année et les solutions se font attendre si elles ne sont pas tout simplement ignorées. Transport 2000 en appelle donc aux gouvernements fédéral et provinciaux ainsi qu’aux administrations municipales, ensemble et avec le secteur privé, pour développer un système de transport abordable, efficient et durable aux plans énergétique et environnemental. La présente proposition vise à rappeler les lacunes essentielles de la politique des transports au Canada et à montrer la voie vers un avenir soutenable pour l’ensemble du système.
Notre but est d'offrir un meilleur éventail d’options pour le transport au bénéfice de l’ensemble de la population canadienne dans la perspective d’une réduction de la congestion et de la pollution et d’une meilleure efficacité énergétique. Dans le contexte des objectifs du protocole de Kyoto, les transports constituent un secteur incontournable où le potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre peut être réalisé. On peut aisément atteindre le but recherché en augmentant de manière significative la part des déplacements assurés par les transports en commun à la place des déplacements en voiture personnelle. Ainsi pourrons-nous remplir les besoins en transport du Canada au meilleur coût possible pour la collectivité et l’environnement.
1. Développer un réseau intégré de services de transport
Les gens sont prêts à laisser leur voiture à la maison et à utiliser les transports publics lorsqu’ils s’avèrent fiables, efficaces, confortables et économiques. Pour y parvenir, encore faut-il créer un véritable système de transport intermodal. Passagers et transporteurs en bénéficieraient: les passagers par de meilleurs services disponibles, les entreprises de transport par une clientèle accrue. L’automobile personnelle est de loin le concurrent le plus redoutable dans l’ensemble du marché des déplacements. Des politiques publiques actives sont nécessaires pour encourager l’intégration des modes, avec le concours de l’industrie, en assurant la satisfaction des besoins du client.
L'exemple d’intégration le plus urgente consiste en un service de transport par rail à haute fréquence à destination des aéroports principaux. La planification de telles liaisons est actuellement en cours à Toronto, Montréal, Vancouver et Ottawa et devrait être envisagée pour les autres grandes agglomérations. Mais les liaisons avec le centre-ville ne sont pas les seules susceptibles de remplir les besoins. Partout où c’est possible, les services interurbains et locaux de tous genres devraient desservir l'aéroport.
Au-delà des liens aéroportuaires, d’autres terminus devraient être partagés par les différents modes et transporteurs. Une correspondance automatisée et sécuritaire pour les bagages, une procédure conjointe d’émission des billets, des horaires coordonnés et une information claire pour les voyageurs sont aussi nécessaires. Ces initiatives constituent une condition essentielle pour faire des transports publics un choix de déplacement attrayant et commode1, à peu de risque pour la part du marché des transporteurs qui y participent.
2. Soutenir tous les modes de transport – rail, routes, cieux et cours d’eau
Chaque moyen de transport comporte ses avantages et ses inconvénients; il nous faut alors soutenir tous les modes pour créer un système de transport efficient et équilibré.
La majorité des déplacements interurbains au Canada s’effectue avec la voiture personnelle. Pour le reste, la moitié s’effectue en transport aérien. Comme par hasard, les transports aérien et routier sont ceux qui ont reçu la plus grosse part des investissements depuis les années 1950 et qui connaissent la congestion la plus importante. Plus grand sera l'investissement envers un mode particulier et plus facile sera l’utilisation de ce mode; ainsi deviendra-t-il davantage un choix populaire.
Les transports en commun par rail ont reçu très peu d’investissements au cours des 50 dernières années, au point même de devenir une relique dans plusieurs parties de l’Amérique du Nord. Pourtant, le train est utilisé plus que jamais dans les régions où des services adéquats sont encore fournis. Le rail – normalement la colonne vertébrale du système de transport – est le seul mode qui offre un potentiel d’attraction majeur pour attirer en plus grand nombre les automobilistes. Il est aussi le mode de transport le plus efficace aux plans énergétique et environnemental de tous les moyens de transport motorisés. Fournir une option de rechange plus solide à ce niveau est le plus souvent la manière la plus efficace d’améliorer la fluidité de la circulation sur les autoroutes encombrées.
Les services de train à haute vitesse devraient être développés systématiquement pour les trajets inférieurs à 800 kilomètres entre les centres urbains, en vue de réduire le volume des déplacements autoroutiers et les pressions environnementales qu’occasionnent les liaisons aériennes de courte distance et la congestion aéroportuaire. L’opposition la plus vive envers les projets de trains rapides dans le triangle Toronto-Ottawa-Montréal ne provient pas tant de ceux qui craignent qu’on en fasse un éléphant blanc que des autres transporteurs qui s’inquiètent de voir fléchir leur part du marché, tel que cela a été observé dans d’autres pays notamment pour le transport aérien. C’est pourquoi des alliances pourraient être favorisées, soit dans l’exploitation des trains à grande vitesse, soit pour une stratégie de marketing plus dynamique dans un contexte où des services ferroviaires de meilleure qualité attirent de plus gros volumes de clientèle pour les transports en commun en général, ce qui bénéficie aux autres modes.
Le rôle des liaisons d'autocar est d'offrir un service de base à prix faible vers le plus grand nombre de destinations possible. Dans bien des régions, il s'agit du seul mode de transport collectif envisageable. Les services d'autocar seraient plus attirants si on les positionnait comme élément du réseau intermodal avec des correspondances aisées. Sans cet arrimage, cependant, les autocars n'ont jamais démontré un potentiel significatif d'attraction des automobilistes.
Dans l’est et dans l’ouest du Canada, les traversiers représentent par ailleurs un élément essentiel d'un système de transport équilibré et devraient jouir d’une attention soutenue en matière d’investissements pour ne pas les voir décliner.
3. Desservir la population canadienne partout là où elle se trouve
Le marché des déplacements au Canada est rendu compliqué par l’existence de très vastes distances et une distribution extrêmement inégale de la population. Des marchés fort lucratifs se retrouvent dans les corridors reliant les plus grandes agglomérations urbaines tandis qu’à l’autre bout du spectre de plus petites communautés s’étendent sur une superficie de quelque 10 millions de kilomètres carrés. Sans une prestation de services adéquate, ces communautés ne pourront pas survivre.
À l’heure actuelle, des subventions spécifiques sont offertes à certains transporteurs afin de maintenir des services non rentables à de plus petites collectivités. Nous recommandons la cessation de ces subventions. À la place, nous proposons la création d’un fonds sectoriel qui pourrait servir à tout exploitant, fut-il public ou privé, qui offrirait des services aux collectivités éloignées. Celles-ci ne dépendraient plus d’un seul transporteur subventionné et ces marchés seraient ouverts aux autres transporteurs. Un tel fonds pour les services de téléphone existe d’ailleurs en vertu de la Loi fédérale des télécommunications.
Les partenariats public-privé dans les transports
Les gouvernements ont une responsabilité majeure dans la résolution des problèmes de transport, dans le but de favoriser un environnement où les transporteurs privés puissent prospérer tout en procurant le meilleur service à la clientèle. Des conditions de saine concurrence – le level playing field en anglais – ne peuvent émerger seules des lois du marché, compte tenu de la nature des liens qui prévalent entre les investissements publics en infrastructure et la viabilité même des services pour ces infrastructures, et également de la répartition géographique inégale de la demande.
Les transports, qu’on le veuille ou non, ont toujours évolué sur la base de partenariats public-privé, mais les conditions du partenariat sont arbitraires, le résultat d'accidents historiques. Or, il s’avère indispensable de clarifier ce concept de «partenariat» : formule de financement pour la livraison des services aux petites collectivités, tel que défini ci-dessus; distinction plus claire des responsabilités de service public et de transporteur privé concurrentiel pour Air Canada; financement public d’infrastructures pour le développement des transports en commun par rail, tout comme on finance actuellement les routes pavées; clarification du statut de VIA Rail.
La société VIA Rail a été mise sur pied il y a plus de 25 ans, à titre de mesure d’urgence pour résoudre la crise du transport ferroviaire des passagers. VIA Rail est dans l’impossibilité de prendre ses propres décisions sur les itinéraires ainsi que de réaliser des investissements sans l’accord du Conseil du trésor. Une loi sur VIA Rail devrait être adoptée sans délai, dont l’objectif serait de corriger les problèmes structurels actuels et de confier à VIA le mandat de fournir des services là où il y a une demande suffisante et les moyens de remplir son mandat. Malgré les difficultés d’exploitation résultant d’une infrastructure ferroviaire en déclin et du veto réglementaire du Conseil du trésor du Canada, VIA Rail a fait un excellent travail. À cet égard, il y a lieu de considérer les reconnaissances de l’industrie touristique et des témoins américains du secteur du rail, dans le contexte d'une diminution constante des subventions fédérales – en termes réels et absolus – à l’entreprise publique. Le franchisage des services ne saurait en lui-même améliorer les services aux voyageurs. Mais si le problème du financement des infrastructures du rail peut être résolu, le quasi-monopole actuel de VIA risque de ne plus être nécessaire et les opportunités de marché pour le secteur privé pourraient dès lors émerger.
Après tout, il n'est pas toujours nécessaire de se déplacer
On ne saurait oublier que la mobilité en elle-même est un moyen et non une fin. Ainsi, la plupart des déplacements sont envisagés pour des motifs qui ne sont pas uniquement liés à l’objectif de se mouvoir du point A au point B. Des stratégies actives de gestion de la demande dites TDM, qui incluraient la promotion des téléconférences comme alternative aux déplacements d’affaires, seraient de nature à alléger le fardeau des transports sans pour autant compromettre l’activité économique ni les échanges entre individus.
En conclusion
Transport 2000 est d’avis que nous avons besoin d’un meilleur système de transport actuellement au Canada et au Québec ainsi que les moyens d’y parvenir. En faisant lever les obstacles à l’utilisation du transport public, tout en améliorant les liens formels entre les différents modes, nous mettons ainsi toutes les chances de notre côté pour le développement économique et social, l’efficacité énergétique et la protection de l’environnement. Pour ce faire, on doit poursuivre une approche multimodale mieux équilibrée, en diversifiant davantage les investissements entre les divers modes de transport, au lieu de financer uniquement les autoroutes et les aéroports, et on doit assurer un accès au système de transport partout au pays.
Dans ces conditions, nous pourrons réellement réduire l’insécurité routière et le stress qu’occasionnent les transports sur la santé des individus, la détérioration de l’environnement et l’ensemble des coûts sur le système à plus long terme. En conséquence, il nous apparaît urgent que le gouvernement fédéral et les provinces adoptent des politiques de transport efficaces et durables, pour le bien-être de l’ensemble de la population. Une obsession équivalente à celle pour la santé ?…
1 L’Union européenne vient de se donner une politique pour rendre l’expérience des transports publics plus agréable. Voir L’Europe à la croisée des chemins – le transport durable : une nécessité (2003), Office des publications officielles des Communautés européennes, 25 pp. ou http://europa.eu.int/pol/trans/index_fr.htm.